Il y a quelques années, je suis tombé sur l’histoire de l’oiseau Peng qui m’a profondément touché.
Qu’exprime t-il?
La naissance et l’envol de l’oiseau Peng.
Celui-ci était un poisson dans son état originel.
Tchouang Tse nous invite à comprendre que la mer, le liquide est notre origine à tous. La vision Taoïste considère qu’il y a une terre centrale entourée de quatre mers et le tout couvert par le dais céleste.
Peng n’est pas encore Peng. Il est en devenir comme nous tous.
Il est essentiel de se rappeler que Tchouang Tse nous invite à comprendre ce qu’est le Tao, non par le cerveau gauche de la raison mais par le droit, de l’expérience intérieure.
« Si je demande à un oiseau ce qu’est le Tao il ne peut me répondre puisqu’il vole dedans.
Si je demande à un poisson ce qu’est le Tao, il ne peut me répondre puisqu’il nage dedans. »
Mais Peng, c’est autre chose puisqu’il s’agit d’une transformation (trans = au travers et forme). Il passe donc d’une forme à une autre, d’un espace à un autre. C’est dans cet espace virtuel, insaisissable que poisson devient oiseau. C’est là que l’on comprend le Tao. Cette transformation, consiste à se défaire de ses oripeaux anciens, afin de devenir autre. Il y a de la peur, de l’angoisse du changement de forme et de lieu mais Peng l’accomplit.
Nous sommes pareils. Il faut donc nous y préparer. Ce que Tchouang Tse nous invite à méditer, c’est que le poisson attend son heure, il s’use, il s’accroche à ses croyances, puis petit-à-petit lâche les préjugés, les envies de reconnaissance, la beauté illusoire, un corps qui se raidit. Se faisant, il accepte la mue incroyable.
L’enfançon qui est en nous est prêt à s’envoler.
Certains l’appellent l’âme, d’autres le Ling, peu importe. Ce ne sont que des mots.
Ce qui compte c’est de saisir l’instant comme dans le tae tchi, saisir la queue de l’oiseau.
L’histoire dit que les oiseaux d’en bas regardaient Peng en disant qu’il était bien fier, trop fier, fat, et trop d’orgueil mais Peng ne les entendait pas car il avait maintenant le but du lac céleste.
Ici, ce qui nous attend dans notre élévation, c’est tout simplement la critique, les jalousies, les mesquineries. Mais si nous nous sommes vraiment préparés, tout cela ne nous atteint même pas. C’est du domaine d’en bas et d’avant dans l’état du poisson.
Dans le So Wen, au chapitre 4, il y a le calendrier énergétique qui est décrit avec des mutations incroyables.
Au printemps les éperviers se transforment en pigeons, les campagnols se transforment en cailles.
En été, les lucioles naissent des herbes.
En automne, les moineaux entrent dans l’eau et se transforment en limaces.
En hiver les faisans entrent dans l’eau et se transforment en dragons.
Remarquez la magnifique transformation reprise ici.
L’automne et l’hiver nous sommes dans le domaine de l’eau, c’est le Yin primitif.
Au printemps la transformation de l'épervier en pigeon nous indique le passage du Yin au Yang. En effet, d'après M. Granet, l'épervier femelle est plus forte que le mâle et le pigeon est celui qui couve les œufs. Ainsi le printemps est majestueusement exprimé par l'inversion des oiseaux. Et ce n'est pas fini! Un mouvement de montée des campagnols (rongeurs) aux cailles (oiseaux).
Enfin en été, la lumière!!
Le So Wen n’est pas écrit par Tchouang Tse mais ce livre est aussi très ésotérique et nous conduit sur la transformation profonde de notre être.
Guai Xiang a écrit: « Le vol du fabuleux oiseau (P'eng) peut prendre une demi-année et ne s'arrêtera pas avant d'atteindre le lac céleste. Le vol d'un petit oiseau ne prend que la moitié de la matinée et s'arrête pour aller d'arbre en arbre. En ce qui concerne les capacités, il y a une différence. Mais en s'adaptant à leur nature, ils sont les mêmes»
L’invite ici est de considérer que nous pouvons avoir un modèle mais pas une idole. Le modèle ne crée pas de l’envie comme le fait l’idole. Agissons à notre propre niveau. Regardons ceux qui nous précèdent et qui nous montrent le chemin de la sagesse et non du pouvoir. Ils sont faciles à distinguer, on ne les voient pas et on ne les trouvent pas car ils sont discrets et déjà Peng.
Remarquons aussi que la transformation peut paraître bizarre pourtant il s’agit de deux animaux qui pondent des œufs. Oiseaux et poissons sont ovipares. Il y a là une clé à comprendre!
Le Tao nous apprend que l’univers a une forme d’oeuf dans lequel le blanc représente le Ciel et le jaune la Terre. Cela implique que nous sommes nés de l’oeuf et quand bien même notre apparence est humaine, il nous faut suivre le chemin des ovipares pour gravir en sagesse l’ultime étape de notre transformation.
De l’eau terrestre à l’eau céleste. L’alchimiste que je suis conclura ainsi:
« Du Sel de Pierre au Nitre céleste! »
Jean
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