Comme je le dis souvent lors de mes cours, notre tube digestif est comme un modèle de notre vie.
Nous mangeons, digérons et éliminons. Trois étapes fondamentales qui sont aussi les trois étapes de l’existence. Nous naissons pour avaler le monde. Nous grandissons dans ce monde que nous digérons plus ou moins bien pour enfin mourir lorsque nous serons en âge de le faire. Car il y a un âge pour mourir, c’est celui que la nature a décidé et non ce que les hommes pensent devoir accomplir au travers des guerres et des meurtres en tout genre.
Le taoïste est épris de cette nature qui est tout simplement sans passion mais œuvre sans rien attendre, donne et prend sans arrière-pensée, cette nature donc est notre Mère à tous et nous lui devons le plus grand respect.
La nature, notre Mère à tous, c’est la vieille femme assise au coin du feu et qui conte notre humanité. Elle en a vu, elle en a entendu, elle a pleuré comme elle a ri. Elle est souvent piétinée, trouée, maltraitée, forée, creusée. On lui arrache sa peau avec toutes ses plantes et ses arbres. C’est un scalp à grande échelle. Ses rivières sont comme des artères, que l’on bouche, détourne, sclérose, assèche, tue. Cette Mère est souvent plâtrée, bétonnée, en lui enfonçant des morceaux d’acier. On la pompe de ses liquides vitaux dans les nappes phréatiques ou dans les puits pétrolifères.
Elle est affamée petit-à-petit n’ayant plus la possibilité de renouveler de quoi donner. Car malgré tout ce que ses enfants les plus calamiteux lui font endurer, elle continue de se sacrifier car elle « pense » qu’il se peut que leur conscience évolue. Et puis de toute façon, d’autres sont déjà venus et sont partis. D’autres ont respecté et ont été détruits. D’autres ont pillé et saccagé et ont été remplacés par des nouveaux plus violents ou plus dolents. Qui sait ? La terre Mère existe depuis quelques milliards d’années. Nous, depuis quelques milliers d’années. Comme le jeune qui pense que les vieux sont cons et qu’il faut tout changer, ils ont soi-disant le monde à leur pied. Mais c’est oublier que ce monde sous leurs pieds est celui qui les fait vivre mais aussi mourir.
Cette Mère est aussi dans chaque femme. C’est la chair de sa chair ou la chair de sa terre. La Mère Nature s’exprime dans chacune d’elle et tout ce qu’elle subit est subi aussi par ces milliards de femmes. Il n’y a aucune différence et les maladies qui existent aujourd’hui en chacune des femmes est tout simplement le reflet de la maladie de la Terre. Et plus la Terre souffre plus les hommes perdent la raison car ils n’entendent plus les histoires que la vieille femme leur susurre aux oreilles. Ils sont épouvantés, affolés et courent après la peur de manquer. Ils ont peur depuis que le cordon a été coupé car ils sont seuls sans leur mère, sans ce ventre qui les a protégé. Ils sont aveugles car ils ne voient pas que cette Mère est là autour d’eux. Alors ils frappent encore plus car ne peuvent se résoudre à se penser coupable. Il vaut mieux vivre en ayant tout que rien. De toute façon tout le monde est mortel alors continuons à écraser et détruire du moment que le profit soit pour moi.
Raisonnement fallacieux et effrayant. La violence des actes et des mots naît de la frustration. Et cette frustration est l’incompréhension de ce qu’est la vie.
Ceci est pourtant simple et suit trois règles taoïstes (mais bien d’autres religions ou philosophies en parlent aussi) que nul ne devrait transgresser : Seule la nature peut donner la mort Regarde le gain de ton voisin comme ton propre gain, et la perte de ton voisin comme ta propre perte Et l’éthique de la réciprocité : Ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse et fais aux autres ce que tu aimerais qu’on te fasse.
Bon vent. Jean Motte
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