N'est-ce pas une question pertinente à se poser lorsque nous faisons de l'acupuncture? Pourquoi cinq et pas six? Pourquoi ces catégories Bois, Feu, Terre, Métal et Eau et pas nougat, tricot, tente, chien et haricot?
Question sensée donc mais qui est très peu explicitée et surtout loin de la tradition car pour y répondre avec pertinence il faut lire le Su Wen et pas qu'un peu. C'est au chapitre 69 que nous allons y découvrir la solution qui de prime abord n'est pas claire.
Les 5 dépôts ont leur centre à l'extérieur contrairement au reste et ils sont source de vie. La clef est en gras dans le texte. Pour bien comprendre, un tour par Aristote s'impose. Celui-ci nous dit que tout est affaire de matière informée. Il y a le dense et il y a le léger. Le léger doit pénétrer le dense lui donnant alors une essence. C'est la forme qui est informée et pour vous perdre dans une suite de mots logiques mais au sens différent : c'est la forme non formée donc informée qui grâce à l'information devient forme! En d'autres termes plus compréhensibles et tirés de l'alchimie opérative, le Soufre (Feu) doit se conjoindre au Mercure (Eau) afin de donner la vie. Repris par d'autres traditions et philosophies, c'est le souffle divin qui est donné à la matière pour créer la vie, l'âme (anima) qui s'incorpore au corps animé et donne l'être humain.
Alors me direz-vous? Et bien il se trouve qu'il y a cinq classificateurs possibles qui sont "vivants" car potentiellement créateurs de vie mais dont le centre n'est pas en eux mais à l'extérieur. C'est-à-dire, qu'ils ne peuvent par eux-mêmes décider de s'activer, d'agir, de créer mais sont assujettis aux contraintes externes que l'on nomme contingences ou pour reprendre les termes du Su Wen, TRANSFORMATION. D'où la notion de dépôt qui est le terme le plus proche du texte chinois littéral à la place de "élément". Un dépôt, c'est un endroit où on dépose et c'est la contrainte externe qui y sera déposée, la volition externe.
Le BOIS ne peut marcher, se déplacer, il obéit aux contraintes de la terre, de l'air, de l'ensoleillement. Quand bien même aurait-il une volonté de se mouvoir, de pousser plus vite, il ne le pourrait pas. Il est le résultat des contraintes externes.
Le FEU ne peut par lui-même décider d'exister. Il lui faut de l'air et une matière dont il puisera sa force. Il existera au détriment de paramètres extérieurs à lui. Mais dès qu'il est créé, il brûle certes, mais il permet la vie et le renouvellement des choses et des êtres. Igne Natura, Renovatur Integra (la nature est renouvelée entièrement par le feu).
La TERRE est passive et inerte. Il faut qu'il y ait des conditions idoines afin que la vie apparaisse. La terre est nourricière si et seulement si la lumière et l'humidité sont présentes. Sinon la terre est juste de la pierre en morceau. La Terre est la mère du Métal car celui-ci (cuivre, fer, argent, or, mercure, étain, plomb) se trouve dans les veines de la terre qui vit par les pressions et l'infiltration de l'air et de l'eau. Sans ces pénétrations externes, la terre ne peut rien faire par elle-même!
Le MÉTAL n'est que le résultat des contraintes de pression à l'intérieur de la terre. Le métal vit mais pour cela il a besoin de forces externes qu'il ne peut appeler ou créer. Il est patient, attend le moment opportun et profite d'une conjonction de forces externes qui lui permettent alors d'agir, de vivre, de craquer de fondre de se transformer.
L'EAU est source de vie seulement si elle est en mouvement. L'eau ne peut décider de prendre telle ou telle direction. Elle est obligée d'obéir aux contraintes externes, aux formes qui la contiennent ou aux déclivités du milieu dans lequel elle se situe. Elle se transforme alors, selon les circonstance extérieures en mare, étang, mer ou tsunami. L'eau ne décide pas par elle-même. Son centre est donc à l'extérieur de son corps physique.
Toute autre existence sur terre et dans l'univers visible qui nous entoure peut se mouvoir et décider d'aller à droite ou à gauche, de manger ou non, de monter de descendre, d'attaquer ou de mordre. D'être ou ne pas être comme disait l'ami Hamlet.
Ces dépôts sont donc des tiroirs dans lesquels nous pourront y mettre ce qui semble le plus proche de leur "raison d'être". Le bois se tord et se redresse comme les ongles, les muscles. Le bois crée le vent, le temps frais, l'agitation et donc la colère, les craquements, la couleur verte qui prédomine, l'odeur rance de champignons frais...
Chaque grand dépôt permet ainsi de lister des mots qui correspondent à la transformation qui sera utile pour le bilan énergétique du patient.
Toute autre vie, de la paramécie à l'homme ou plus évolué encore le poulpe, a son centre de vie en lui. Il a certes des contraintes externes auxquelles il doit s'adapter mais il a aussi (le terme est fondamental) la possibilité de faire un choix aussi simple que manger ou non.
Il s'ensuit pour l'homme de savoir ce qui lui appartient en vrai, c'est-à-dire de sa propre volonté ou ce qui n'est qu'un leurre et dont il obéit parce qu'il n'a aucune possibilité de faire autrement. Je vous livre ma réflexion qui sera enrichie des vos propres raisonnements et questionnements.
Déjà, tout ce qui est du fonctionnement involontaire. La respiration, la pensée, le cœur qui bat etc... Cela fonctionne selon sa propre décision, ses propres contingences où l'homme pensée est exclu.
C'est le travail de Descartes qui s'est mis tout simplement à douter de son existence en tant qu'homme. Et seul le fait de penser a pu le rassurer sur le fait qu'il existait par lui-même. Pour autant on a parlé du doute cartésien. Ce qui est une tromperie. Non, Descartes a juste érigé en véritable philosophe qu'il n'y a que le fait de penser qui appartient à l'espèce vivante et donc, comme le disent les Chinois, à la perception de son centre. Seule notre pensée nous fait respecter les innombrables interdits de nos sociétés sans rechigner et nous adapter sans cesse à leurs contraintes.
Notre centre c'est notre pensée, pas notre cerveau mais notre cœur. Celui qui communique et communie avec toute la nature environnante. Celui qui, comme le cerveau a son réseau électrique non pour commander l'interne (acte dévolu au cerveau) mais pour se connecter à la trame de l'univers qui unit tous les humains et toutes les vies dont la volition est au centre. Une fourmi, un chien, une pie sont autant de vies sacrées que nous tuons saccageons sans même se rendre compte que nous creusons nos propres tombes par ce détachement à la grande nature. Mais là est le début d'un autre sujet. Voilà pourquoi les 5 éléments existent, c'est aussi pour asseoir et conforter notre position de vivant parmi les vivants qui devrait nous faire prendre conscience de la responsabilité incroyable que cela laisse sur nos épaules.
Allez, Bon Vent!
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